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Do not drink

24 mai 2008

Un inédit de Rimbaud, ça se savoure.

Retrouvé il n'y a que quelques semaines dans les Ardennes, ce inédit de Rimbaud provoque l'événement dans le monde littéraire (sachant que le dernier manuscrit a été découvert il y a 60 ans).

Le rêve de Bismarck

C'est le soir. Sous sa tente, pleine de silence et de rêve, Bismarck, un doigt sur la carte de France, médite ; de son immense pipe s'échappe un filet bleu.

Bismarck médite. Son petit index crochu chemine, sur le vélin, du Rhin à la Moselle, de la Moselle à la Seine ; de l'ongle, il a rayé imperceptiblement le papier autour de Strasbourg : il passe outre.

A Sarrebruck, à Wissembourg, à Woerth, à Sedan, il tressaille, le petit doigt crochu : il caresse Nancy, égratigne Bitche et Phalsbourg, raie Metz, trace sur les frontières de petites lignes brisées, et s'arrête…

Triomphant, Bismarck a couvert de son index l'Alsace et la Lorraine !

- Oh ! sous son crâne jaune, quels délires d'avare ! Quels délicieux nuages de fumée répand sa pipe bienheureuse !

Bismarck médite. Tiens ! un gros point noir semble arrêter l'index frétillant. C'est Paris.

Donc, le petit ongle mauvais, de rayer, de rayer le papier, de ci, de là, avec rage, enfin, de s'arrêter… Le doigt reste là, moitié plié, immobile.

Paris ! Paris ! Puis, le bonhomme a tant rêvé l'œil ouvert, que, doucement, la somnolence s'empare de lui : son front se penche vers le papier ; machinalement, le fourneau de sa pipe, échappée à ses lèvres, s'abat sur le vilain point noir…

Hi ! povero ! en abandonnant sa pauvre tête, son nez, le nez de M. Otto de Bismarck, s'est plongé dans le fourneau ardent… Hi ! povero ! va povero ! dans le fourneau incandescent de la pipe…, Hi ! povero ! Son index était sur Paris !… Fini, le rêve glorieux !

Il était si fin, si spirituel, si heureux, ce nez de vieux premier diplomate !

- Cachez, cachez ce nez !

Eh bien ! mon cher, quand, pour partager la choucroute royale, vous rentrerez au palais avec des cris de dames, dans l'histoire, vous porterez éternellement votre nez carbonisé entre vos yeux stupides.

Voilà ! fallait pas rêvasser !

(Jean Baudry) alias Arthur Rimbaud

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20 mai 2008

The ultimate showdown of the german idealism

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Il y a de ces perles qui traînent sur la toile...

1 mai 2008

Après l'empire [Emmanuel Todd]

    J'ai peu de livre d'analyse politique ou sociale à mon actif, mais la "fin de l'histoire" de Fukuyama ou le "choc des civilisations" de Huntington ne me m'étaient pas totalement étrangers. C'est ainsi que, dans le prolongement de mon programme, je me plonge dans la vision sans concessions de ce démographe et historien français qu'est Emmanuel Todd. Celui-ci s'est, en 2002, opposé à toute une catégorie d'analystes qui voyaient dans la guerre en Afghanistan puis en Irak la démonstration de l'hyperpuissance militaire des Etats-Unis, et a joué Cassandre en annonçant la "décompostion du système américain" dans Après l'empire. Sa thèse avait a l'époque (et peut-être encore aujourd'hui, quoique les faits semblent lui donner raison) donnée lieu à de vives polémiques et était apparue comme fantaisiste au plus grand nombre. Comment un pays qui avait triomphé du communisme, vécu en maître absolu pendant une décennie (1990-2000) et qui ne connaissait aucun adversaire économique à sa taille pouvait-il être au bord du démantèlement?
    Je partais donc sceptique, de peur de déceler un anti-américanisme primaire, énième anonciateur du déclin américain, au fil de ces quelques pages. Il fallait cependant avouer que Todd avait fait ses preuves: en 1976, il publia La Chute finale, qui augurait la chute du Bloc Communiste (à contre-courant cette fois encore) 15 ans avant sa dissolution.
    L'historien surprend, en retournant complètement les donnes que nous tenions pour avérées. Ainsi les manœuvres militaires de l'armée américaine sont considérées comme un micro-militarisme théâtral: bien qu'étant la plus grande armée du monde, celle-ci ne peut plus s'attaquer qu'à des régimes agonisants, tels l'Irak, d'où aucune menace sérieuse ne pourrait provenir. Les Etats-Unis ne sont plus une solution dans les relations internationales mais un problème, une entrave à la résolution des conflits, comme en Israël et Palestine; le mythe du "terrorisme universel" n'est alors qu'un artifice pour dissimuler le déclin des USA, qui ont perdu leur rôle de leader dans un monde qui s'alphabétise, qui se démocratise et qui peut se passer du géant.
Todd fonde sa réflexion sur des faits et non sur des suppositions, ce qui renforce hautement son argumentation: démographe à l'origine, il met en évidence la baisse du nombre d'enfants par femme dans les pays arabes, l'augmentation du taux d'alphabétisation sur les deux dernières décennies pour démontrer que l'emprise du religieux s'amoindrit en Orient, et que l'influence des islamistes radicaux s'amenuise. Quant à la situation économique, un exemple peut avoir un effet dévastateur: les Etats-Unis sont déficitaires dans leur balance commerciale avec la plupart des pays, et même l'Ukraine.
    La taille de l'ouvrage laisse penser que la thèse aurait pu être plus aboutie, et même si elle possède une force incontestable, elle paraît maigre face à celle de Huntington par exemple. On ne décèle cependant aucune rancœur, aucune préférence nationale dans Après l'empire, Todd analyse scrupuleusement,sans arrière-pensées et laisse même entendre que, comme le disait Tocqueville, c'est la capacité à rebondir après une crise qui caractérise les USA (mais pas avant quelques temps).

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C'est étrange de lire un tel ouvrage aujourd'hui, alors que la faiblesse des Etats-Unis est plus que jamais mise en exergue (l'Irak tourne en second Viêtnam, les subprimes sont loin d'être une affaire close...) et je suis étonné (disons à moitié) de voir fleurir les couvertures sur un problème que certains avaient décelé depuis un moment. Lecture en somme très instructive.

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27 avril 2008

Special guest

Cette année, c'est Monsieur Tarantino qui donne sa Leçon de cinéma à Cannes.

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22 avril 2008

Intermède poétique #5


Howl, extrait [Allen Ginsberg]

J'ai vu les grands esprits de ma génération
détruits par la folie, affamés hystériques nus
se traînant à l'aube dans les rues nègres
à la recherche d'une furieuse piqûre, initiés
à tête d'ange brûlant pour la liaison céleste
ancienne avec la dynamo étoilée
dans la mécanique nocturne
qui pauvreté et haillons et oeil creux et défoncés
restèrent debout en fumant dans l'obscurité
surnaturelle des chambres bon marché
flottant par-dessus le sommet des villes
en contemplant du jazz, qui ont mis à nu
leurs cerveaux aux Cieux sous le Métro Aérien
et vu des anges d'Islam titubant illuminés
sur les toits des taudis, qui ont passé à travers
des universités avec des yeux radieux froids hallucinant
l'Arkansas et des tragédies à la Blake
parmi les érudits de la guerre,
qui ont été expulsés des académies pour folie
et pour publication d'odes obscènes
sur les fenêtres du crâne...

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22 avril 2008

Le terrorisme de la vertu

Je voudrais tout d'abord m'excuser pour cette longue absence, mais mon (notre) rythme de travail et surtout, ne nous voilons pas la face, mon manque notoire de volonté, ont conduit a la mort lente de ce blog. N'espérons pas trop hâtivement une résurrection tonitruante, mais nous allons tâcher de renflouer ce navire bien englouti par les flots de notre paresse.

    Bien des sujets auraient mérité maintes palabres, mais j'ai choisi de remettre le train sur les rails avec une controverse qui fait couler de l'encre aux quatre coins du globe, ces chers et tendres Jeux Olympiques. Les JO, c'est bien, les JO c'est gentil, aux JO tout le monde s'aime et les inimitiés sont rangées de côté pour un temps. Aux JO, les athlètes sont des héros, les hymnes des tubes et les drapeaux des étendards aux couleurs gracieuses. Aux JO, personne n'aime quand quelqu'un vient gâcher la fête, mais tout le monde est d'accord pour dire que la fête comme cache-misère, c'est mal, c'est pas beau. Aux JO, les anneaux sont un symbole magnifique qui va droit au coeur, un symbole d'union fraternelle. Aux JO, la flamme, elle sert de relai affectueux qui traverse les océans pour créer un pont entre les continents; mais aux JO, se souvient-on que c'est Goebbels sous l'impulsion de Carl Diem, qui a instauré le relai de la torche olympique, comme glorification du IIIème Reich, aux Olympiades de Berlin en 1936?
    Le lourd manteau de bonne volonté dont s'est paré "l'esprit sportif" ne cesse de s'effilocher, et le CIO marche sur l'ourlet, se casse la figure, sans que personne ne le voit (ne veuille le voir) tomber. Pierre de Coubertin était n'était pas un mauvais bougre, il a cependant transformé le sport en nouvel "opium du peuple", mais cela nous ne pouvons le lui reprocher. La moindre des choses de la part du sport serait de reconnaître que dans ce domaine-ci comme dans tous les autres, la politique, l'économie et les intérêts extérieurs sont intervenus, interviennent et interviendront encore longtemps. Il n'y a pas d'exception. David Douillet sur une brique de jus d'orange, prônant les "valeurs sportives" n'y changera rien. Il n'existe pas plus de morale sportive que de morale politique, la morale a une valeur en et pour elle-même, elle ne peut être l'apanage d'une discipline qui s'opposerait soit disant à tous les maux de la Terre: Immanuel Kant et Jacques Rogge ne feraient décidément pas bon ménage.
    Le contexte tibétain est un entrelacs de confusions en tous genres, je ne m'immiscerai donc pas dans ce flot de hors-sujets où tout le monde croit avoir raison, aussi bien du côté chinois que du côté occidental. Ce qui me chagrine en revanche, c'est de voir s'instaurer au sein de notre société un "terrorisme de la vertu", une hégémonie arbitraire de la bonne volonté niaise qui voudrait que l'on suive à la lettre les préceptes qu'elle enseigne. Ainsi, il ne faut pas être gentil parce que l'on sait que c'est bien, mais parce que l'on pense que c'est bien. Les athlètes seraient des êtres venus d'une autre planète, généreux et intouchables, des modèles en somme. Et parce qu'ils représentent les valeurs de l'olympisme, parce qu'ils ont réussi en partant de rien, on ne doit pas leur en demander plus, ils sont champions avant d'être citoyens. Le sport a cependant ses brebis galeuses, et on s'empresse de les clouer au pilori: Marion Jones ne fait alors plus partie du cercle des vertueux et, dans une vision quasi-manichéenne, toute la communauté sportive diabolise ce dopage, instrument du malin. Jeux de dupes, une a été prise la main dans le sac, d'autre courent toujours masqués par un semblant de chasteté.
    Je ne souhaite pas tomber dans les excès que je dénonce, il y a certainement beaucoup de sportifs dont l'honnêteté ne peut être remis en cause, mais vouloir faire du sport un lieu saint, où tout péché est inimaginable et où l'introduction d'enjeux politiques (par ailleurs déjà présents de longue date) constitue un blasphème, est une perspective utopique et non profitable.

5 décembre 2007

Honghe Yejing

Musique traditionnelle chinoise pour quelques minutes de volupté.

3 décembre 2007

Les Amants d'Avignon [Elsa Triolet]

    Les pages d'un prix Goncourt ont, pour une première fois, défilé sous mes yeux, se laissant effleurer par mes mains. Certes, ce n'en est qu'un extrait (nouvelle venant du recueil Le Premier accroc coûte deux cents francs), mais pas moins apprécié.
Lire Elsa Triolet avant les grandes oeuvres de son bien-aimé, n'est-ce pas contradictoire, hors du temps ? Aragon dominait toutes mes connaissances poétiques, principalement, sa prose me restant inconnue, mais les écrits de sa femme se révélèrent plus tentateurs.

    Les Amants d'Avignon, c'est très court, trop court, même. Une foultitude de mots, durs, ou délicats, liés les uns aux autres pour un ensemble presque impalpable, relatant à la fois des duretés de la Résistance, du majestueux crépitement du feu qui meuble une solitude trop pesante, des cafés parisiens - et lyonnais ! - à propos desquels tant de songes se sont formés, et des trains bondés, suants, contrastant avec les compartiments déserts de la Wehrmacht. Sans oublier une histoire d'amour, légère, ancrée dans d'habituels clichés mais adoucit l'ensemble de l'oeuvre.

Concise chronique, en attendant de lire la suite du recueil, et peut-être, enfin, Aurélien.

    "Les flammes sortirent du bois, crépitantes, déchiquetées, de belles guenilles de luxe. Cela vous tient compagnie, le fue, sou mouvement, le bruit meublent la solitude.... On le regarde vivre, se démener... Ses sautes d'humeur, ses trépignements, ses jaillissements, sa perfidie, et comme il se fait tout petit, comme il se tapit sous un bûche, on le croirait mourant, mais c'est alors qu'il se lève haut et clair ! Sa gaieté cascadeuse, ses débordements, ses appétits illimités et le calme brûlant des braises.... Des petits chenets noirs soutenaient les flammes : ils représentaient un buste de femme, délicatement moulé, la jolie tête coiffée en bandeaux, une étoffe croisée sur les seins nus."

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Futures lectures ? :
- Les Hauts de Hurlevent, Emily Brontë
- Les Faux-Monnayeurs, Gide
- La Préface de la Critique de la raison Pure, de Kant (ah, depuis le temps...)
- Morphologie du Conte, Vladimir Propp

1 décembre 2007

Quand l'hôpital se fout de la charité...


Je dois tout de même reconnaître que c'est pas mal fait.

P.S.: Les critiques littéraires manquent ces temps-ci, mais elles vont revenir sous peu.

26 novembre 2007

Intermède poétique #4

The Grave of Shelley [Oscar Wilde]

Like burnt-out torches by a sick man's bed
Gaunt cypress-trees stand round the sun-bleached stone;
Here doth the little night-owl make her throne,
And the slight lizard show his jewelled head.
And, where the chaliced poppies flame to red,
In the still chamber of yon pyramid
Surely some Old-World Sphinx lurks darkly hid,
Grim warder of this pleasaunce of the dead.

Ah! sweet indeed to rest within the womb
Of Earth, great mother of eternal sleep,
But sweeter far for thee a restless tomb
In the blue cavern of an echoing deep,
Or where the tall ships founder in the gloom
Against the rocks of some wave-shattered steep

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