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3 juillet 2007

Poésies complètes [Arthur Rimbaud]

     Je dois reconnaître, quitte à paraître un temps soit peu inculte, que je ne m’étais jamais réellement penché sur l’œuvre rimbaldienne. Comme tout un chacun, je connaissais (bien maladroitement) les quelques poèmes portés aux nues par le XXeme siècle, bercé par le chant des Voyelles ou par la mélodie du Dormeur du Val, mais je ne m’étais jamais attelé à la lecture plus approfondie d’une poésie qui pourtant regorge de joyaux. Errare humanum est, mais la faute est dorénavant réparée.

Ce qui me subjugue le plus, c’est la verve avec laquelle Rimbaud manie un langage vulgarisé, des locutions empoussiérées par des décennies de romantisme mielleux : la langue française qui, sous la plume d’Anatole France, s’enfonce dans la mièvrerie, retrouve ici une nouvelle jeunesse (due aussi à l’écriture – volontairement – enfantine du poète). On aperçoit, au détour d’un sonnet, une esthétique presque baudelairienne, notamment dans la perception insolite de la laideur (qui n’est pas sans rappeler Une charogne) illustrée par Vénus anadyomène :

Comme d'un cercueil vert en fer blanc, une tête
De femme à cheveux bruns fortement pommadés
D'une vieille baignoire émerge, lente et bête,
Avec des déficits assez mal ravaudés ;

Puis le col gras et gris, les larges omoplates
Qui saillent ; le dos court qui rentre et qui ressort ;
Puis les rondeurs des reins semblent prendre l'essor ;
La graisse sous la peau paraît en feuilles plates ;

L'échine est un peu rouge, et le tout sent un goût
Horrible étrangement ; on remarque surtout
Des singularités qu'il faut voir à la loupe...

Les reins portent deux mots gravés : Clara Venus ;
– Et tout ce corps remue et tend sa large croupe
Belle hideusement d'un ulcère à l'anus.

J’ai eu cependant certains rebuts face au fouillis d’exégèses proposées dans cet ouvrage et qui nuisent selon moi à une lecture appréciable, il me faudrait lire ces Poésies une seconde fois pour en savourer la quintessence, sans parasitages. Autres faits malencontreux, je me suis heurté à un alourdissement de la syntaxe et à une hypotaxe hasardeuse dans quelques (mais assez rares) poèmes, comme Le Forgeron, qui peuvent détériorer le sens que le poète a voulu y mettre. En revanche, le ton sarcastique de Ce qu’on dit au poète à propos des fleurs ou encore de Rage de Césars est délectable.

Ma préférence va indéniablement aux poèmes de l’Album Zutique, où le talent de Rimbaud pour le pastiche et la dérision atteint son zénith : le poète va même jusqu’à parodier les Fêtes Galantes de son compagnon Verlaine (l’Album Zutique est d’ailleurs l’unique trace de collaboration entre les deux hommes).
Je vous conseille donc de découvrir, voire redécouvrir ces Chercheuses de poux, ces Corbeaux et autres Bohème qui sont autant de bijoux fondateurs de la poésie contemporaine.

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