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16 août 2007

L'ignorance [Milan Kundera]

    Une première lecture de Kundera, et peut-être pas la dernière, je ne sais pas encore. Je suis mitigée sur ce livre...
J'avais ouï dire qu'il était le plus grand romancier français contemporain, et j'étais sceptique, sachant qu'on dit la même chose de Marc Lévy. Chez Kundera -ou du moins dans l'Ignorance- la forme ne prime pas sur le fond, comme c'est souvent le cas chez les "nouveaux" auteurs. Le style est simple, sans fioritures, sans pour autant être vide de sens et d'esthétique.
Ici, Kundera trace en parallèle l'histoire de deux émigrés tchèques, ayant quitté leur pays natal pour fuir les attaques des chars soviétiques : Irena et Josef. Vingt après leur émigration, chacun décide de retourner en Tchécoslovaquie, comme se le doit tout émigré (sic). Ils se croisent à l'aéroport, le jour de leur "Grand retour" : Irena voit en lui quelqu'un qu'elle a connu plus jeune et qu'elle a aimé, Josef ne la reconnaît pas. Leur séjour à Prague est conté, toujours en parallèle, montrant bien que cela ne se passe pas comme prévu. J'ai apprécié que Kundera compare les expériences de Josef et Irena à l'Odyssée ; je n'y pensais pas, mais effectivement, lorsqu'Ulysse rentre à Ithaque, après vingt années passées ailleurs, son retour n'est pas aussi attendu et jovial que prévu.
La qualité indubitable de Kundera réside dans les réflexions philosophiques qui sillonnent l'oeuvre. La plupart de ses pensées, dans cette oeuvre, tourne autour de la réelle  valeur du passée, de l'avenir et du présent. La quatrième de couverture était révélatrice de cet aspect du livre, c'est pourquoi j'ai été tentée de le lire :

    "Sur l'avenir, tout le monde se trompe. L'homme ne peut être sur que du moment présent. Mais est-ce bien vrai ? Peut-il vraiment connaître, le présent ? Est-il capable de juger ? Bien sûr que non. Car comement celui qui ne connaît pas l'avenir pourrait-il comprendre le sens du présent ? Si nous ne savons pas vers quel avenir le présent nous mène, comment pourrions-nous dire que ce présent est bon, ou mauvais, qu'il mérite notre adhésion, notre méfiance ou notre haine ?"

    En revanche, le plus grand reproche que je puisse faire, est l'incompatibilité entre ses réflexions et l'histoire en elle-même. Elle n'est pas dénuée d'intêret ni de sens envers les réflexions, évidemment, mais ce n'est pas ce qu'il y a de mieux pour les illustrer. Je n'ai pas du tout accroché aux personnages principaux, particulièrement Josef, pour lequel j'ai été antipathique dès le début. Le fait qu'il n'ait que de vagues souvenirs de son passé, alors qu'Irena s'en rappelle très bien m'a refroidie et ne me laissait pas une bonne impression de sa personne. La présence des autres personnages ne sert qu'à renforcer l'idée qu'il n'était pas bon pour eux deux de retourner dans leur pays natal.

    Un dernier point, un peu positif : ce livre m'a fait rire à plusieurs reprises. C'est assez rare, que certains passages pas forcément "drôles" déclenchent en moi une certaine hilarité. J'en ai relevé un ; à mes yeux, il n'est pas dénué d'une réflexion philosophique, même s'il paraît logique, presque plat :

    "Un jour, elle voit son nouvel amant courir vers elle en veste bleue et elle se souvient que son premier amant lui plaisait aussi en veste bleue. Un autre jour, la regardant dans les yeux, il fait l'éloge de leur beauté par une tournure métaphorique très insolite ; elle en est fascinée parce que, à propos de ses yeux, son premier amant lui a dit mot pour mot la même phrase insolite. Ces coïncidences l'émerveillent. Jamais elle ne se sent à tel point pénétrée de beauté lorsque la nostalgie de son amour passé se confond avec les surprises de son nouvel amour. L'intrusion de l'amant de naguère dans l'histoire qu'elle est en train de vivre n'est pas pour elle une infidélité secrète, mais augmente encore son affection pour celui qui marche à ses côtés.
    "Plus âgée, elle verra dans ses ressemblances une regrettable uniformité des individus (qui, pour s'embrasser, s'arrêtent tous aux mêmes endroits, ont les mêmes goûts vestimentaires, flattent une femme avec la même métaphore) et une monotonie lassante des évenements (qui ne sont qu'une éternelle répétition du même) ; mais dans son adolescence, elle accueille ces coïncidences comme un miracle, avide de déchiffrer leurs significations. Le fait que son amant d'aujourd'hui ressemble étrangement à celui de naguère le rend encore plus exceptionnel, encore plus original, et elle croit qu'il lui est mystérieusement prédestiné."

    Une belle illustration de l'ignorance, à mon avis, ou alors de l'aveuglement.. Etonnant d'ailleurs que Kundera n'ait pas plus fait cas d'Oedipe que d'Ulysse : il aurait tout aussi bien correspondu.

2070306100

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