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20 août 2007

La nausée [Jean-Paul Sartre]

    Selon moi, jamais oeuvre n'avait si bien porté son titre. Car c'est un malaise lanscinant qui plane sur ces pages, un trouble qui n'offre de répit que pour mieux ressurgir par la suite. La fascination des existentialistes pour l'angoisse du néant, de la mort, cette angoisse qu'Heidegger présente comme l'essence même de l'homme, est réellement retransmise à travers les gestes les plus quotidiens, les errements dans la ville décharnée, succédané de capitale à la bourgeoisie superficielle, qu'est Bouville. Antoine Roquetin (et Sartre à travers lui) se sent étranger au monde auquel il appartient et n'arrive plus à saisir le sens de la réalité qui lui était si familière, comme ses visites quotidiennes au Rendez-vous des cheminots ou à la bibliothèque.    
    Il découvrira alors la vérité de l'existence au terme d'une nausée atteignant son paroxysme lors de la scène du jardin public. L'homme aurait pu ne pas être, n'a donc pas de raison d'être et peut être considéré comme de trop, la nausée est la prise de conscience de cette contingence (et de ce fait, de l'inexistence de Dieu): toute existence est injustifiable mais est pourtant réelle.

"J'étais là, immobile et glacé, plongé dans une extase horrible. Mais au sein même de cette extase quelque chose de neuf venait d'apparaître; je comprenais la Nausée, je la possédais. A vrai dire, je ne me formulais pas mes découvertes. Mais je crois qu'à présent il me serait facile de les mettre en mots. L'essentiel est la contingence. Je veux dire que, par définition, l'existence n'est pas la nécessité. Exister, c'est être là, simplement."

A travers des figures telles que l'Autodidacte ou encore les Salauds du musée, apparait la mauvaise foi, la fuite devant l'angoisse du néant autrement dit le refus de la contingence. C'est ce faux-semblant que Roquetin exècre, cet optimisme certain de la nécessité de l'homme.

"L'Autodidacte sourit avec un peu de malice et beaucoup de solennité:
- Aussi n'est-ce pas mon avis. Je pense que nous n'avons pas à chercher si loin le sens de notre vie.
- Ah?
- Il y a un but, monsieur, il y a un but... il y a les hommes.
C'est juste: j'oubliais qu'il est humaniste. Il reste une seconde silencieux, le temps de faire disparaître, proprement, inexorablement, son boeuf en daube et toute une tranche de pain. "Il y a les hommes..." il vient de se peindre tout entier, ce tendre."

Cela a été une véritable initiation philosophique pour moi, qui ne connaissais rien (ou presque) de l'existentialisme. Une sobriété littéraire d'une grande efficacité.

la_nause

 

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Commentaires
C
Pour s'approcher sans trop de mal de la philosophie sartrienne, tu peux lire "L'existentialisme est un humanisme". - alors, au fait, ces épreuves anticipées ? :p -
M
Ô joie, tu l'as lu ! Ton commentaire me laisse un peu coite : je sous-estime Sartre en ne connaissant rien de sa philosophie, à mon avis. <br /> C'est décidé, quand tu me le rends, je le lis : et je pourrais ainsi savourer ta critique. (Je dois dire que pour le moment, elle m'est un peu étrangère)
B
Merci bien pour ce compliment ^^, ton billet sur cette oeuvre est aussi d'une grande qualité, et sûrement beaucoup plus personnel que le mien.
M
Je trouve ta chronique très bonne. La Nausée compte parmi mes livres favoris. J'en avais d'ailleurs parlé sur mon blog ici : http://menon.canalblog.com/archives/2005/09/02/1455832.html
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